À propos d'une candidature Unesco et de l'organisation des publics.

Retours critiques sur les réglages du dossier du Biou d'Arbois.

 

Flavie Ailhaud (ethnologue, ville d'Arbois)

Noël Barbe (CNRS, DRAC Franche-Comté)

 

L'objet de notre intervention n'est pas tant de décrire le processus d'inscription d'un bien ou ce bien lui-même, ici une fête périodique viti-vinicole du vignoble jurassien, le Biou d'Arbois, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco que de revenir, tout en décrivant ce bien et son processus d’inscription,  de manière critique – attentive aux questions de pouvoir – sur les réglages du dossier dans le temps de cette candidature.

 

Différents dispositifs de phonation ont été mis en place à Arbois en vue de cette candidature, justifiés par la promotion de la « participation » par la convention de l’Unesco. Enquête ethnologique auprès des acteurs directs de la fête, délibération par consensus pour constituer le dossier, organisation du dissensus et donc irruption du politique par la prise en compte des sans-parts, prise en compte des tensions agonistiques inhérentes à la pluralité des pensées et des perspectives, tels sont les dispositifs et cadres d’analyse mis en œuvre et par là-même autant de publics au sens de Dewey. C'est de leurs caractéristiques et de leur performativité, notamment en termes de production et d'organisation des publics, dont il a été question. Ceci suppose de s'interroger sur ce qu’ils provoquent en termes de modalités d’action et de contributions dans la qualification patrimoniale, de reposer la question du politique et de la gouvernementalité dans le domaine patrimonial. Là est, provisoirement sans doute, l’intérêt du patrimoine culturel immatériel.

 

La boite noire que constitue l’instruction des dossiers de candidature avant leur éventuelle transmission à l’Unesco, si elle peut fonctionner comme un analyseur de la politique, pourrait nous conduire à délaisser ces processus de candidature tout en restant attentifs à ce que le PCI peut faire faire du point de vue de l’organisation du dissensus et de dispositifs égalitaires de qualification patrimoniale.

 

Dans cette expérience si nous n’avons pas été les experts des qualités patrimoniales, nous l’avons été des manières de qualifier le patrimoine. Là, si la déprise pastorale paraît – sans doute provisoirement – impossible, elle n’en autorise pas moins des contre-conduites critiques qui viennent tout à la fois historiciser et désarticuler les positions hégémoniques pour tenter d’en configurer de nouvelles reposant sur la présupposition d’égalité.